Documents et texte sur la fin de vie :
http://www.sfap.org/rubrique/les-documents-et-les-textes-officiels
Notre société est en train de changer de regard sur la vulnérabilité
Texte de Tanguy Chatel sur la vulnérabilité (juin 2019)
Voici une série d’interventions et de prises de position sur cette question:
Position de la SFAP
http://www.sfap.org/rubrique/communiques-de-presse
Entrevue avec Tanguy Chatel ,
sociologue, formateur, conférencier.
Intervention de Jean Léonetti
Propos recueilli par Lacroix en octobre 2012.
Alors que la « mission Sicard » doit remettre son rapport le 22 décembre, le député UMP (Alpes-Maritimes) Jean Leonetti estime que la loi de 2005 sur la fin de vie qui porte son nom peut être améliorée.
Il estime que l’on pourrait rendre les directives anticipées plus contraignantes et prévoir une sédation terminale dans certaines circonstances.
La loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie peut-elle être amendée ?
JEAN LEONETTI :
Cette loi n’est pas parfaite. La preuve, nous l’avons déjà améliorée en 2008, après l’avoir évaluée. Mais il faudrait se méfier d’une loi sur la fin de vie qui prétendrait être parfaite.
Aujourd’hui, je pense qu’il y a deux voies à explorer. La première concerne les ‘directives anticipées’. En 2005, nous avons ouvert la possibilité à chacun de consigner ses souhaits pour sa fin de vie : la loi prévoit que ces directives anticipées s’appliquent pour une durée de trois ans, sont réversibles à tout moment et qu’elles doivent être consultées par le médecin. On pourrait imaginer un système plus contraignant.
Ainsi, par exemple, un malade ayant fait part de sa volonté de ne pas être réanimé après telle ou telle complication grave pourrait bénéficier de directives opposables « sauf si » ; autrement dit, le médecin serait tenu de les respecter, à moins de justifier de conditions tout à fait particulières (la vulnérabilité, etc.).
Autre exemple : une personne apprenant qu’elle est atteinte d’Alzheimer pourrait fixer certaines limites et donner des directives pour l’avenir, afin que les traitements qu’elle jugerait disproportionnés ne soient pas entrepris.
Quelle est l’autre piste ?
Elle concerne certaines situations particulièrement douloureuses après une réanimation : un nourrisson très grand prématuré promis à une vie végétative, un jeune cérébrolésé après un accident et sans espoir de retour à la conscience, etc.
En France, la démarche est de réanimer au bénéfice du doute, pour être sûr de ne pas baisser les bras vis-à-vis de ceux qui pourraient s’en sortir. Le revers de cette approche est de pousser parfois trop loin la réanimation dans des cas désespérés.
Je ne crois pas qu’il soit responsable et éthique de rendre à sa mère un bébé dont le cerveau comporte des lésions si graves qu’il ne pourra ni voir, ni marcher, ni penser, et qu’il ne pourra jamais établir aucune relation. Dans ces cas dramatiques, il faut prévoir une sédation terminale, qui, c’est vrai, est à la limite de l’euthanasie, mais se justifie car il n’est pas question de laisser la personne mourir à petit feu durant une ou deux semaines après l’arrêt des traitements.
On décide alors que telle vie ne mérite pas d’être vécue…
Toute vie mérite d’être vécue mais il y a des cas extrêmes. On peut légitimement se demander si une vie sans relation, sans conscience et sans espoir d’amélioration quelconque, sur un lit, avec un corps qui se délite est effectivement une vie, sans même parler des conséquences que cela comporte pour l’entourage.
Pourquoi considérez-vous qu’il ne faut pas aller plus loin, sur le modèle belge ou suisse ?
Nous sommes là dans un conflit de valeurs, entre une éthique de la vulnérabilité – veiller à protéger les plus fragiles de la société, parfois contre eux-mêmes – et une éthique de l’autonomie – fondée sur la liberté de décider pour soi-même, jusqu’à la décision ultime de vivre ou de mourir. Je suis attaché à la première mais je ne dis pas que l’une vaut mieux que l’autre.
La question centrale est : sur quels critères fonde-t-on le « droit à mourir » ? Si ce sont des critères médicaux, alors on se trouve en phase terminale d’une maladie incurable et la loi de 2005 s’applique, éventuellement à travers le double effet (NDLR : qui permet de soulager les souffrances du patient même si cela peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie).
Si le critère est la seule volonté libre, éclairée et réitérée, alors il s’agit de suicide assisté. On se retrouve dans un système à la Suisse, où 30 % des personnes mortes après ce type d’assistance ne souffraient pas de maladie mortelle. On institutionnalise un ‘droit opposable’ à la mort, avec toutes les conséquences que cela comporte vis-à-vis des plus vulnérables d’entre nous.
RECUEILLI PAR BERNARD GORCE ET MARINE LAMOUREUX